Pendant des mois, on a juré aux salariés d’Europe 1 que non, Vincent Bolloré n’allait pas devenir actionnaire majoritaire (il l’était déjà à hauteur de quasi 30%) et que non, Europe 1 n’allait sûrement pas amorcer de virage à droite façon CNews. Et puis… et puis en fait si.

En mai 2021, les salariés d’Europe 1 ont enfin eu leurs réponses à leurs questions. Comme l’a rapporté Les Jours, média d’investigation, on leur dit alors :

Vous êtes déjà salariés de Vincent Bolloré dans les faits.

Des remplacements à la chaîne

Et depuis, les annonces vont de mal en pis. On a annoncé que Pascale Clark, grande voix de radio ne serait pas renouvelée, tout comme Anne Roumanoff. L’animateur de la matinale depuis deux ans, Matthieu Belliard, a lui aussi été débarqué.

A la place de toutes ces figures de la station, des arrivées en en direct depuis CNews. Sonia Mabrouk, responsable de la tranche 12h-14h sur la chaîne de télévision a hérité de l’interview politique matinale sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, intervenant régulier de l’émission d’Eric Zemmour, se voit remettre les clés de la matinale. Bref, selon une expression chérie de l’extrême-droite, c’est le grand remplacement qui est en marche.

Une grève inédite en 66 ans d'existence

Et dans le monde des médias, on s’inquiète énormément de la toile qu’est en train de tisser Vincent Bolloré. Après le démembrement de Canal Plus auquel ont assisté tous les journalistes français, les salariés d’Europe 1 ont voulu résister à leur manière.

D’autant plus qu’un journaliste de la radio a été mis à pied après avoir prouvé qu’une responsable RH enregistrait illégalement une réunion censée être un dialogue entre les différentes parties. Ils ont donc lancé une grève le 18 juin afin de protester contre le virage à droite. Une grève inédite dans l’histoire de cette radio.

Mais le mouvement a tourné court. Le 23 juin, soit à peine 5 jours après, la grève était déjà finie. Non pas parce que les salariés ont obtenu des vraies garanties concernant leur radio. Eux qui voulaient l’instauration d’une clause de conscience permettant aux journalistes en désaccord avec le changement de ligne éditoriale de partir avec des indemnités ont été déçus. La direction s’est seulement engagée à "ouvrir des discussions" sur un plan de départs.

Un sujet qui déchire le monde médiatique

En attendant, d’autres médias et journalistes s’inquiètent de ce changement prochain. Libération a ainsi consacré sa Une du 23 juin à ce sujet en titrant "Le spectre de la bande FN". Une manière de traiter le sujet qui a fait sauter au plafond les stars de CNews. Tous s’en sont donné à cœur joie sur les réseaux sociaux. Sonia Mabrouk :

Les gardiens du temple de la pensée conforme et chloroformée ont rendu leur sentence, à coup de qualificatifs éculés, ils insultent et invectivent quiconque ne se range pas derrière leur prêt-à-avaler idéologique. Dire qu’ils pensent détenir le magistère du bien...

Jean-Marc Morandini a lui écrit :

Chaque jour LAREM, Socialistes, Insoumis, Républicains, communistes et autres débattent sur les plateaux de CNews en toute liberté ! Je ne suis pas certain qu’on puisse en dire autant dans les colonnes de Libé. Alors les leçons de déontologie…

Pascal Praud en a carrément fait un édito dans son émission L’Heure des Pros :

Ces attaques illustrent la place que CNews a pris dans le PAF. Une parole libre, un ton nouveau, des personnalités différentes, clivantes, diverses qui nourrissent le débat contradictoire loin du politiquement correct, de l’esprit de chapelle ou du prêt-à-penser. Ceux qui nous attaquent sont nos meilleurs attachés de presse.

 @CNews
@CNews

Il a pourtant insulté Libération, pointant du doigt "leur malhonnêteté intellectuelle, leur intolérance congénitale et (on) devine leur idéologie politique". Il a conclu son propos par

Les chiens aboient, la caravane passe.

Un rapprochement qui ne sera jamais serein

Le rapprochement Europe 1/CNews se fera donc à coup sûr dans le sang et les larmes car on a rarement vu le monde médiatique français autant s’écharper en public.

Un fossé entre les défenseurs de la "liberté de pensée" et ceux effrayés par une dérive très à droite et la mainmise d’un seul homme sur un certain nombre de médias semble se creuser de manière irréconciliable...